Aspects historiques

Cette notion relativement récente mérite que l'on s'attarde un peu sur son histoire. Elle provient en effet d'un mouvement de pensée précisant son existence depuis les années 80 ; mouvement encore vigoureux aujourd'hui.

Dans les années 1950-1970: l'émergence d'une certaine reconnaissance

Durant ces années, seuls les sujets atteints d’un handicap n’entravant pas leur efficience intellectuelle bénéficient d’une reconnaissance spécifique. C’est en effet en 1954 que le professeur Guy Tardieu crée le terme d’Infirme Moteur Cérébral (IMC) pour ces personnes dont le handicap moteur est particulièrement invalidant. Les personnes porteuses d’un handicap touchant sévèrement la sphère intellectuelle héritent quant à elles des termes génériques de « débilité », d’ « encéphalopathie », voire « d’oligophrénie (1) ».
De plus, l’incapacité médicale à proposer des soins pouvant guérir ces handicaps génère une certaine minoration des moyens financiers mis en œuvre pour ces personnes. Cet état de fait amène une situation où les personnes n’ont d’autres choix que d’habiter chez leurs parents, qui tentent tant bien que mal de faire face à leurs besoins particuliers.
C’est en 1966 que la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie crée un service spécialisé permettant le soin de quelques enfants porteurs de polyhandicap. C’est le professeur Minkowski (pionnier de la médecine néonatale) qui lance les premiers accueils.

De l'année 1970 à l'année 1984: le Législateur crée les conditions d'une spécificité

En 1970, la création du C.E.S.A.P.(2) permet une réelle organisation de l’information sur le polyhandicap. Outre la diffusion du terme lui-même, c’est surtout la nécessité d’une prise en charge pluridisciplinaire qui est affirmée.
En 1975, les lois en faveur des personnes handicapées octroient un statut particulier à la grande dépendance et formalisent les accueils au sein des Maison d’Accueil Spécialisée.

De l'année 1984 à nos jours: une définition évolutive

C’est en 1984 que la première définition formelle du polyhandicap voit le jour, sous l’impulsion du C.T.N.E.R.H.I.(3) et du Docteur Elisabeth Zucman. Cette définition considère le polyhandicap comme « un handicap grave à expressions multiples avec restriction extrême de l’autonomie et déficience mentale profonde ».
Cette définition restera consensuelle jusqu’en 1989, avec l’annexe XXIV ter (4) qui met en place des conditions spécifiques pour l’accueil, l’éducation et le soin pour les enfants polyhandicapés. La première définition se complète alors : « un handicap grave à expressions multiples associant déficience motrice et déficience mentale sévère ou profonde, entraînant une restriction extrême de l’autonomie et des possibilités de perception, d’expression et de relations ».
Nous voyons bien que l’accent commence à être porté sur les effets du polyhandicap, qui concernent autant les possibilités d’autonomie que celles de perception et de relation. Elisabeth Zucman le décrira d’ailleurs plus tard comme « une situation grave et complexe qui touche la personne dans les multiples aspects de sa vie corporelle, de la sensorialité, de la vie de relation et des activités concrètes de la vie quotidienne. Si graves et si nombreuses que soient ces entraves, leur intrication fait de chaque situation une exception ».
Enfin, c’est le G.P.F. (5) qui propose la dernière définition en date, en décembre 2002. Il définit le polyhandicap comme « une situation de vie spécifique d’une personne présentant un dysfonctionnement cérébral précoce ou survenu en cours de développement ayant pour conséquence de graves perturbations à expressions multiples et évolutives de l’efficience motrice, perceptive, cognitive et de la construction des relations avec l’environnement physique et humain. Il s’agit là d’une situation évolutive d’extrême vulnérabilité physique, psychique et sociale au cours de laquelle certaines de ces personnes peuvent présenter de manière transitoire ou durable des signes de la série autistique. La situation complexe de la personne polyhandicapée nécessite, pour son éducation et la mise en œuvre de son projet de vie, le recours à des techniques spécialisées pour le suivi médical, l’apprentissage des moyens de relation et de communication, le développement des capacités intellectuelles et d’éveil sensorimoteur, l’ensemble concourant à l’exercice d’autonomie optimale ».

(1) L’oligophrénie se construit sur le grec ancien « oligos » (peu abondant) et « phrên » (esprit).
(2) Au départ, Comité d’Etudes et de Soins aux Arriérés Profonds, puis par la suite Comité d’Etudes et de Soins Aux Polyhandicapés.
(3) Centre Technique d’Etudes et de Recherche sur les Handicaps et les Inadaptations.
(4) Décret n°896 798 du 27 octobre 1989.
(5) Groupe Polyhandicap France, créé en 1996.

Source: "Aux cotés des personnes polyhandicapées - Guide pratique", Derouette, C. (dir.), 2011.