Aspects historiques

De 1911 à 1967 : une origine psychiatrique et organiciste

Parler de l’histoire de l’autisme n’aurait guère de sens si nous ne remontions pas à la création même de ce terme. Pour ce faire, il nous faut en premier lieu aborder brièvement l’histoire du champ qui l’a vu naître : la psychiatrie.
Au début du 20ème siècle, les psychiatres se penchent en effet sur des sujets présentant une pathologie particulière. Ces derniers ne sont pas nés avec un trouble mental (1) mais l’ont plutôt manifesté progressivement après une période de développement sans difficulté apparente. Il est alors question de « démence précoce » lorsque cela concerne de jeunes adultes, et de « démence précocissime » au sujet des jeunes enfants.
Dans ce tournant du 20ème siècle, un psychiatre suisse, Eugen Bleuler, va proposer un terme spécifique pour ces situations. Insatisfait de la notion de démence, il forge en 1911 celle de schizophrénie à partir du grec « schizein » (couper) et « phrenos » (personnalité). Il sera dès lors question de schizophrénie de l’adulte (l’ancienne démence précoce), mais également de schizophrénie infantile (l’ancienne démence précocissime). Or, dans les descriptions que Bleuler propose concernant les symptômes schizophréniques, apparaît une certaine froideur affective et un important repli sur soi. Ne pouvant pas parler d’idiotisme pour ce symptôme tardif et visiblement secondaire, Bleuler crée une seconde notion : l’autisme.
Cette dernière, provenant du grec « autos » (soi-même) visait donc en premier lieu un champ très circonscrit : le symptôme secondaire de repli sur soi du sujet atteint de schizophrénie. Cette définition unique et restreinte aura cours jusqu’en 1943, date à laquelle un pédopsychiatre autrichien, Kanner, publiera un article qui lui adjoindra un sens radicalement différent.

Léo Kanner, autrichien vivant aux Etats-Unis depuis 1924, est le créateur du premier service de psychiatrie infantile au sein d’un hôpital universitaire (1930). A partir de l’observation de onze enfants qu’il côtoie depuis 1938, il publie en 1943 l’article qui l’inscrira dans les annales de la psychiatrie : « Autistic disturbance of affective contact »(2). C’est dans ce dernier qu’il établira l’idée que les troubles de ces onze enfants sont les signes d’une maladie spécifique, qu’il dénommera « autisme infantile précoce » (devenant plus tard « autisme de Kanner ») afin de la différencier des descriptions psychiatriques classiques concernant la schizophrénie infantile. Pour Kanner, les deux signes pathognomoniques(3) de cette pathologie sont l’aloneness (extrême solitude) et le sameness (besoin d’immuabilité). A cette époque, cette caractérisation psychopathologique était innovante à double titre : d’une part, elle faisait de l’autisme un trouble primaire, et non plus une symptomatologie secondaire liée à la schizophrénie infantile. D’autre part, Kanner ne recherchait pas à décrire chez l’enfant ce qui se trouvait chez l’adulte (lien entre schizophrénie de l’enfant et de l’adulte) mais bien à décrire ce qu’il voyait de commun chez les onze enfants qu’il accompagnait. Ce genre de démarche n’était pas courant à l’époque, où l’enfant était encore vu comme un « adulte en miniature ». Cette conception alors novatrice deviendra une norme par la suite, notamment en France et en Angleterre. La schizophrénie infantile (diagnostic devenant omniprésent aux Etats-Unis) sera scindée en Europe en psychoses infantiles bien caractérisées (psychose déficitaire, dysthymique, symbiotique…).
En ce qui concerne l’autisme de Kanner, il est décrit, outre ses deux signes pathognomoniques, comme un trouble affectif de la communication et de la relation n’atteignant pas l’intelligence. Pour Kanner, ces enfants ne souffraient pas d’atteinte intellectuelle à proprement parler, mais plutôt d’une psychopathologie empêchant leurs capacités de s’exprimer.
Au niveau étiologique, une certaine ambigüité s’est manifestée dès le départ dans les propos de Kanner. Fidèle aux conceptions organicistes de son époque, il considérait que l’autisme était lié à une déficience physiologique touchant essentiellement le cerveau. Cependant, dans le même temps, il signalait que les parents de ces enfants étaient souvent « froids et rigides ». Ces derniers, pour la plupart psychiatres et psychologues, étaient perçus comme centrés sur la performance intellectuelle et peu enclins à la chaleur affective. Kanner parlera de « mère frigidaire » à ce propos. Il redira, presque dix ans après son étude princeps, que ces onze enfants « […] étaient des sortes de cobayes car le souci de performance était le moteur des parents plutôt que la chaleur humaine et le plaisir d’être ensemble. Ils étaient comme gardés dans des frigidaires qui ne se décongelaient jamais »(4).
Ainsi, entre organicisme et influence parentale, l’autisme fut une pathologie d’emblée empreinte d’une certaine mise en cause des parents au niveau étiologique. Cependant, Kanner ne fut pas le seul psychiatre s’intéressant à ces enfants particuliers. Dans le même temps, un psychiatre viennois, Asperger, travaillait sur des symptomatologies presque similaires.

C’est en effet à Vienne que le psychiatre Hans Asperger travaillait depuis 1926 auprès d’enfants. Parmi ses patients, il remarqua quatre jeunes garçons qu’il décrivit comme dotés « d’un manque d’empathie, d’une faible capacité à se créer des amis, d’une conversation unidirectionnelle, d’une intense préoccupation pour un sujet particulier, et de mouvements maladroits »(5). Asperger considéra leurs bizarreries et leurs aptitudes intellectuelles inégales (pouvant aller « de la débilité au génie »(6)) comme les signes d’une « psychopathie autistique ». La principale caractéristique de ces enfants était la maîtrise d’une forme très élaborée et très précoce de langage, sans toutefois posséder la capacité de l’utiliser pleinement comme un outil de communication sociale. Dans la même optique que Kanner, Asperger considérait cette pathologie comme essentiellement organique, tout en remarquant une certaine spécificité chez les parents des enfants concernés. Cependant, il verra dans la présence de traits autistiques parentaux la preuve du caractère héréditaire de la maladie plutôt que celle d’une quelconque responsabilité psychoaffective. L’article dans lequel apparaissaient ces descriptions a été publié en 1944, mais sa rédaction remonte à 1943, c'est-à-dire à la même période que les écrits de Kanner. Cependant, la langue allemande – pour des raisons de contexte historique - a porté préjudice aux écrits d’Asperger, ce qui a compromis sa visibilité internationale. Ce n’est qu’en 1981, date à laquelle la britannique Lorna Wing y fera référence, que les observations d’Asperger pourront être diffusées de manière internationale. Cette diffusion a permis l’acceptation dans les nosographies internationales de ce syndrome particulier (devenu le syndrome d’Asperger) décrivant les personnes porteuses d’autisme dotées d’un certain maintien des capacités intellectuelles. Nous verrons cependant au sein de ce dossier que toutes les classifications internationales n’acceptent pas la spécificité de ce syndrome au sein de la pathologie autistique, ou tendent à la supprimer de leurs références.

De 1967 à 1980 : l’autisme comme trouble psychique et mise en cause des parents

La conception principalement organique de la pathologie autistique a donc été d’emblée présente dans les écrits fondateurs. Cependant, une rupture radicale avec la biologie a vu le jour en 1967, sous la plume d’un intellectuel vivant aux Etats-Unis : Bruno Bettelheim(7). Ce dernier a en effet proposé une hypothèse exclusivement psychogénétique de l’autisme en radicalisant les théories psychanalytiques de son époque concernant la construction de la vie psychique du bébé. S’il ne fut pas le seul auteur à considérer l’autisme comme une pathologie issue de la relation précoce de l’enfant avec son environnement humain, ses écrits sont probablement ceux ayant le plus influencé la vision que le public pouvait avoir de cette pathologie relativement récente et méconnue.
Se basant sur son expérience des camps de concentration de Dachau et de Buchenwald, Bettelheim compara le repli autistique de l’enfant à celui de certains déportés. Cette comparaison se basait sur l’idée qu’un environnement hostile pouvait compromettre l’intégrité du psychisme humain. Il écrivit notamment : « Dans les camps de concentration allemands, je fus le témoin incrédule de la non-réaction de certains prisonniers aux expériences les plus cruelles. Je ne savais pas alors, et je ne l’aurais pas cru, que j’observerais, chez des enfants, dans l’environnement thérapeutique le plus favorable, un semblable comportement engendré par ce que ces enfants avaient vécu dans le passé »(8). Pour Bettelheim, ce que ces enfants avaient vécu dans le passé était une situation extrême dans laquelle leurs parents leur adressaient un message inconscient comparable à celui adressé aux déportés des camps.

Il dira que « […] le facteur qui précipite l’enfant dans l’autisme infantile est le désir de ses parents qu’il n’existe pas »(9). Face au message inconscient transmis par ses parents – principalement la mère- que le monde se porterait mieux sans lui, l’enfant serait amené à s’isoler de toute communication. Pour ce faire, il n’aurait d’autre choix que de créer un monde intérieur rigide et dénué de vie, sans lien avec l’extérieur : c’est là le sens métaphorique de la forteresse vide.
Basée essentiellement sur l’étude de trois enfants (Marcia, Laurie et Joe), cette conception renoue donc avec le terme de « mère frigidaire » de Kanner(10). L’autisme infantile aurait pour Bettelheim une base strictement psychogénétique, liée à un environnement familial destructeur pour la psyché de l’enfant. La famille créerait un environnement pathologique comparable aux camps de concentration ; environnement dans lequel l’autisme serait un état mental « […] se développant en réaction au sentiment de vivre dans une situation extrême et entièrement sans espoir »(11). Cette conception l’amena à accepter le poste de Directeur d’une école accueillant les enfants manifestant des troubles psychologiques : l’école orthogénique de Chicago. Si cet établissement n’était pas spécifiquement dédié à la prise en charge des enfants autistes, c’est en ce lieu que Bettelheim conceptualisera ses méthodes spécialisées d’accompagnement.
Sous son action, l’établissement imposa l’exclusion des enfants de leurs familles, vues comme destructrices pour leur psyché. Cette « parentectomie » visait à permettre l’instauration, pour l’enfant, d’un environnement favorable à son développement. Bettelheim dira que : « si un milieu néfaste peut conduire à la destruction de la personnalité, il doit être possible de reconstruire la personnalité grâce à un milieu particulièrement favorable ».
Cette école acquit une telle renommée que, dès l’année 1974, la plus grande chaîne de télévision française diffusa quatre émissions d’une heure et quart (soit cinq heures en tout) sur les travaux et hypothèses de Bruno Bettelheim. Prétendant avoir guéri des dizaines d’enfants autistes, ses écrits furent étudiés dans les cours de philosophie des lycées français, contribuant à accroître le rayonnement de ses hypothèses sur l’autisme dans l’esprit du public.
Dans le monde professionnel, cependant, certains firent montre d’un certain scepticisme, voire d’un profond désaccord. Les professionnels concernés, tant psychiatres que psychanalystes, firent entendre leur voix dès la diffusion internationale des idées de Bettelheim.

La contestation la plus virulente de la « méthode orthogénique » par les psychiatres est particulièrement bien illustrée par Pierre Debray-Ritzen, alors directeur du service de pédopsychiatrie à l’Hôpital des Enfants Malades de Paris. Ce dernier, dès 1974, faisait publier un article dans Le Figaro en réaction aux émissions de télévision évoquées en supra. Intitulé « Bettelheim est-il un charlatan ? », cet article très offensif est commenté par son auteur de la manière suivante : « Je n’aurais sans doute pas réagi aussi sévèrement si la télévision n’avait pas accordé cinq heures au fondateur de l’école orthogénique. Cinq heures sans aucune contrepartie, comme si Bettelheim représentait l’état actuel des connaissances en pédopsychiatrie, comme si l’on avait affaire à un prix Nobel ou à une personnalité indiscutable. […] Bettelheim prétend guérir les psychoses infantiles à 80%... Cette prétention est aussi monstrueuse que celle d’un médecin qui affirmerait avoir guéri des leucémies aigues dans les mêmes proportions. […] Seules les recherches biochimiques, génétiques et psychopharmacologiques nous permettront de progresser. Je regrette que certains se fourvoient encore dans des directions erronées, comme celle de Bettelheim. Ce n’est pas en bannissant les médicaments et en ayant recours à la seule psychothérapie, que l’on obtiendra des résultats positifs »(12). Le monde de la psychanalyse lui-même se divisa sur la question de la responsabilité parentale dans l’autisme, quelques auteurs voyant dans l’hypothèse de Bettelheim un dévoiement et une radicalisation des théories freudiennes.
Dans cette dichotomie entre engouement publique et méfiance professionnelle, l’autisme suscitait des débats passionnés qui ne servirent ni aux enfants, ni aux parents recevant avec brutalité l’assertion culpabilisante de leur responsabilité dans la maladie de leur enfant.
Cependant, la transformation de la vision portée sur la pathologie autistique était déjà en route, au sein d’une psychopathologie vivant une profonde mutation théorique dès la fin des années 70.

De 1980 à 2007 : l’avènement de la scientificité

Au niveau international, le contexte dominant des années 80 et 90 était celui d’un déclin de l’hégémonie psychanalytique dans le champ de la psychiatrie.
Les années 80 ont constitué à cet égard un tournant dans la vision théorique de l’autisme. C’est en effet à cette période que le concept de « psychose autistique », très lié à la psychanalyse, fut remplacé au sein de la plupart des nosographies officielles par celui de « Trouble global du développement ». Ce remplacement n’est pas anodin, puisqu’il signe le glissement d’un autisme vu comme « pathologie psychique » vers un autisme perçu comme un handicap, apparaissant lors du développement cérébral. Plusieurs raisons peuvent expliquer cela ; certaines, liées à l’émergence de théories psychologiques scientifiques, d’autres à des contextes socioéconomiques particuliers.
En terme de théorisation, la psychologie et sa branche médicale (psychiatrie) se sont dotées à cette période d’une volonté de scientificité. L’émergence du comportementalisme et du cognitivisme, ainsi qu’un certain retour de la psychiatrie dans le giron de la neurologie (via les neurosciences), ont puissamment influencé la manière dont la médecine et la psychothérapie percevaient les maladies mentales. Cette recherche de scientificité a marqué le retour d’une recherche objective sur la génomique et le développement cérébral, ce qu’avait probablement perçu Debray-Ritzen dès 1974.
La psychiatrie prit doucement l’orientation d’une EBM(13), ce qui ne pouvait qu’avoir des conséquences sur la manière de considérer l’autisme. Par ailleurs, des théories et des pratiques commencèrent à ébrécher l’exclusivité que la psychanalyse possédait sur la psychothérapie de l’époque. Le courant humaniste porté par Carl Roger et le gestaltisme de Fritz Perls se posèrent par exemple comme pratiques alternatives entre le « tout objectif » et le « tout interprétatif ».
L’engouement pour les hypothèses de Bettelheim s’éteignit doucement en raison de critiques de plus en plus acerbes de la part des professionnels et des parents. Le constat que les succès thérapeutiques n’étaient peut-être pas aussi massifs que ne le laissaient croire les comptes-rendus rédigés par l’auteur n’a pas non plus été étranger à cette disparition de croyance pour une explication « simple et émotionnellement bouleversante » de l’autisme infantile. Par ailleurs, l’aura de scientificité gagnait en puissance au niveau international, et les regards se tournaient de plus en plus vers l’imagerie cérébrale, vue comme possible porteuse de réponses pour l’autisme.
Au niveau socioéconomique, les Etats-Unis vivaient une époque de revendication quant à la protection sociale. Le statut de « malade mental » donnait droit à bien moins de compensations que celui d’« handicapé », ce qui eut deux conséquences importantes pour l’autisme. D’une part, la recherche théorique concernant une éventuelle implication cérébrale dans cette pathologie fit l’objet d’un véritable lobbying de la part des parents. Ces derniers pouvaient de nouveau caresser l’espoir de comprendre l’origine de la maladie de leur enfant, avec l’idée que ce handicap pourrait en quelque sorte montrer qu’ils n’étaient pas en cause. D’autre part, la reconnaissance d’une atteinte physique aurait contraint les compagnies d’assurance américaines à compenser les dépenses liées à ce handicap ; ce qu’elles n’étaient pas tenu de faire en cas de pathologie mentale sans étiologie déterminée(14).
Ainsi, entre crise sociale et mutation du champ de la santé mentale, l’autisme entra dès les années 80 dans une période de recherche biomédicale intense. Cette situation n’a eu de cesse de s’accroître depuis, ce que montre l’avis du Comité Consultatif National d’Ethique pour les Sciences de la Vie et de la Santé (CCNE), émis en France en 2007. Celui-ci, intitulé « sur la situation en France des personnes, enfants et adultes, atteintes d’autisme », fait le point sur la recherche actuelle dans le domaine de l’autisme et enterre officiellement les hypothèses de Bettelheim.

De 2007 à nos jours : la nouvelle orientation de la recherche

En 2007, le CCNE publie donc un avis sur la situation des personnes atteintes d’autisme en France. Dans celui-ci, la position des experts est particulièrement limpide au sujet de la psychanalyse. Michel Lemay indique par exemple que « Dans le cas de l’autisme, je crois que la psychanalyse s’est trompée. […] Le message de la psychanalyse, qui a longtemps été de dire, et encore hélas chez beaucoup d’auteurs français, français de France, que l’autisme peut être créé par des désirs inconscients, mortifères, des parents, par des troubles où le parent maintient l’enfant dans une symbiose de telle sorte qu’il ne peut pas se tourner vers le père, et de là qu’il ne peut pas naître à une vie psychique, ces hypothèses-là, je suis très sévère à leur égard. Elles culpabilisent les parents, elles ne collent absolument pas avec les observations que nous avons pu faire sur maintenant près de 600 enfants, et oui, sur ce plan là je suis très sévère en disant : il faut tourner cette page et aller voir ailleurs »(15). La théorie de la mère frigidaire et son inefficacité culpabilisante est donc non seulement considérée comme peu en lien avec la réalité de terrain, mais plus encore comme néfaste.
Si la psychanalyse est une discipline riche et féconde dans le monde de la psychiatrie et de l’accompagnement des personnes, il apparaît qu’elle n’a plus la préférence des chercheurs en ce qui concerne l’autisme. Les dégâts psychologiques provoqués par l’hypothèse de Bettelheim et l’avènement de la recherche de scientificité y ont probablement joué un grand rôle. Même si l’amalgame entre la radicalisation de certains auteurs et la valeur d’une discipline toute entière est regrettable, il est clair que le contexte actuel est celui d’une recherche fondée sur l’idée que l’autisme est un trouble fortement lié à une problématique essentiellement organique.
Les chercheurs utilisent donc désormais les IRM/TEP et la génomique pour tenter d’explorer les déterminants d’un autisme vu comme un dysfonctionnement de nature cérébrale. Au niveau de l’accompagnement, les psychothérapies utilisées auparavant de manière exclusive deviennent une facette d’un accompagnement alliant médecine, psychologie clinique et éducation spécialisée. A l’inverse d’une certaine époque où était recherchée la « solution unique » à la problématique autistique, le mouvement actuel s’oriente vers une alliance pluridisciplinaire. C’est ce qu’évoque Paul Tréhin, Secrétaire Général de l’Organisation Mondiale de l’autisme, lorsqu’il précise que « ce qui est mauvais, c’est de croire qu’il existe « la solution » au problème de l’autisme. L’illusion qu’un jour il y aura une « baguette magique » qui fera disparaître l’autisme, est une des croyances tenaces parmi les parents aussi bien que parmi certains professionnels ».

A présent que les (très) grandes lignes de l’histoire du concept sont brossées, il est possible de dresser un tableau des différentes classifications nosographiques intégrant l’autisme. Cela nous permettra d’exposer ce dont il est question, de nos jours, lorsqu’on parle de cette notion, et par là même de présenter l’état de la recherche actuelle.

(1) Ce qui se nommait alors « l’idiotisme ».
(2) Kanner, L., (1943), Autistic disturbance of affective contact, Nervous Child.
(3) Un signe pathognomonique est un signe spécifique à une maladie donnée.
(4) Kanner, L., (1952), Emotional interference with intellectual functionning, American Journal of Mental Deficiency, 56, pp 701-707.
(5) Asperger, H., (1944), « Autistischen Psychopathen » im Kindesalter, Archiv für Psychiatrie und Nervenkrankheiten, 117, pp 76-136.
(6) Ibid.
(7) Diplômé en philosophie et ayant suivi une psychanalyse personnelle. Malgré une croyance tenace, il ne possédait pas de formation (universitaire) en psychologie ou (didactique) en psychanalyse.
(8) Bettelheim, B. (1967), La forteresse vide, Gallimard, (1969 pour la trad.), p 86.
(9) Ibid., p 171.
(10) Que ce dernier a retiré lors d’un discours tenu devant une assemblée de parents d’enfants autistes en 1969.
(11) Ibid., p 101.
(12) Article cité dans la revue « Elements » (volume 8-9 de novembre 1974) du Groupement de Recherches et d’Etudes pour la Civilisation Européenne.
(13) Evidence Based Medecine, c'est-à-dire une médecine basée sur la preuve.
(14) Les systèmes de classification des maladies mentales ne sont pas étrangers à cette situation. Nous y reviendrons lorsqu’il sera question de la classification de l’autisme dans les nosographies internationales.
(15) Comité Consultatif National d’Ethique pour les Sciences de la Vie et de la Santé (2007), Avis N°102, « Sur la situation en France des personnes, enfants et adultes, atteintes d’autisme ».