Le stade anal

Le stade anal (14 mois à trois ans)

Le stade anal correspondrait à une période d’investissement de la sphère sphinctérienne. La libido se déplacerait de la zone buccale à la zone anale, devenue érogène.
Le développement neurophysiologique de l’enfant lui permet la maîtrise des sphincters, et avec elle la possibilité d’un certain pouvoir. Le plaisir d’expulsion du boudin fécal et celui, musculaire, de sa rétention se doublent en effet d’une possibilité du choix (expulser ou retenir, sans que les parents ne puissent agir).
Cette capacité à dire non, vers le 15ème mois, est le troisième organisateur psychique précoce. Elle se fonde sur une distinction claire entre objet interne et objet externe, bases du plaisir de donner et de garder, d’accepter et de refuser. Cette dialectique entre le cadeau fait aux parents et le défi qui leur est lancé par le refus d’expulser construit le psychisme au travers du conflit plutôt qu’au travers de l’acceptation du manque (qui relève du stade oral).
Le stade anal serait constitué de deux sous-stades, distingués par Abraham:

La phase sadique-anale

Freud la décrira comme comportant une forte composante auto-érotique narcissique. Le plaisir se focalise sur les sensations d’expulsion du boudin fécal et de sa rétention. La composante sadique décrite par Abraham existerait au travers de la volonté de destruction des matières fécales et du défi lancé aux parents par l’usage de l’expulsion/rétention comme pouvoir d’affirmation de l’enfant.

La phase de rétention

Progressivement, le plaisir se déplacerait vers la rétention des selles au sein du rectum.
Psychiquement, cela permet également à l’enfant de donner (preuve d’affection) à ses parents lorsqu’ils le demandent, mais également de les défier (agressivité anale) par le refus d’expulser. Il s’agit d’une possibilité d’expression de sa volonté au travers d’un apprentissage complexe (la propreté).
D’un point de vue neurologique, cette période est également celle d’un grand développement des lobes frontaux, très engagés dans la gestion comportementale (obéissance/opposition) du sujet.

L’analité caractérise donc un stade psycho-sexuel permettant la mise en résolution d’enjeux de pouvoir et de maîtrise, ainsi qu'une distinction très nette entre ce qui appartient au corps et ce qui ne lui appartient pas (ou plus). A partir de la possibilité de dire non à l’expulsion fécale, l’enfant peut généraliser ce pouvoir en émettant d’autres refus face aux exigences parentales. La gestion des conflits qui en découlent et l’apprentissage du compromis rendent souvent ce passage complexe pour les familles. L’enfant expérimente, d’ailleurs, autant son pouvoir sur le monde que la frustration de voir sa toute-puissance limitée par les consignes parentales.
La dialectique expulsion/rétention se retrouverait chez l’adulte par divers traits de caractère.
L’exemple de la névrose obsessionnelle, notamment lorsqu'elle concerne l'hygiène, est assez évocateur.
L'ambivalence attirance/répulsion (rechercher partout la saleté n'est-il pas également un moyen d'être en permanence en contact avec elle?), la volonté d'expulsion (élimination de la saleté et des facteurs de désordre) et de rétention (volonté de maîtrise, rapport particulier aux personnes) seraient constitutives d’une régression caractérielle à des enjeux non-résolus propres à l’analité.

Nous l’avons vu, l’enfant a dû expérimenter la conscience des différentes réalités avec la reconnaissance de l’Autre (sourire socialisé) et la survie face aux frustrations et aux éprouvés d’abandon (angoisse du 8ème mois). De même, il a pu s'approprier les enjeux du pouvoir et de l’affirmation de lui-même (apparition du non).
Ces trois organisateurs psychiques précoces construisent la psyché au travers du manque et du conflit. Leur résolution au travers des stades oraux et anaux permet la stabilité du noyau identitaire et la construction d’une certaine confiance en l’avenir et en soi-même.